Jules est
intrigué. Cela fait bien une heure que son collègue Bob s’acharne sur son
ordinateur. D’ordinaire le garçon prend le temps de boire un café et de
bavarder avec lui mais, ce matin Bob s’est jeté sur son clavier en arrivant.
Quand il se prend la tête dans les mains en gémissant, Jules lui demande :
-ça va ? Tu
travailles sur quoi ? C’est urgent ?
Bob lève un
regard désespéré sur le « vieux » Jules.
Comment lui
expliquer qu’il doit insérer un ordre dans le système informatique pour sauver
la planète. Ordre exigé par un humanoïde manchot qui lui a rendu visite la
veille au soir ?
Est-ce urgent de
demander aux ordinateurs de sauver l’âme de l’humanité ?
Est-ce que Jules
peut l’aider sur ce coup là ?
En secouant la
tête il se replonge dans la résolution de ce problème : après tout il est
de loin le meilleur au monde dans ce domaine.
Et s’il ne fait
qu’une chose de bien dans sa vie, cela pourrait bien être ce programme…
Deux-cent-cinquante ans plus tard.
L’antique
horloge carillonne dix-huit dongs sonores et métalliques. Adam lève les yeux de
son écran et s’étire. Puis il se dresse douloureusement. En passant devant le
miroir ses yeux notent bien malgré lui son allure de momie de plus en plus
marquée. Eve, les pupilles dilatées par les heures passées sur son ordinateur,
le rejoint dans l’entrée de leur appartement. Les deux vieillards s’aident
mutuellement à enfiler leurs combinaisons.
Ils accordent un soin particulier à la fermeture de leur scaphandre. Les
respirateurs se mettent en route automatiquement.
Ils sortent dans
le couloir de l’immense complexe dans lequel ils ont emménagé deux ans
auparavant. D’une démarche lente et lourde ils s’engagent dans le couloir gris.
Des fléchages de différentes couleurs zèbrent le sol. Ils suivent le rouge qui
mène vers la surface, vers l’extérieur.
Le
silence les entoure.
Adam se remémore
le jour où un message s’est inscrit sur le forum du site de cinéma qu’il
visitait tous les jours. Eve, l’unique autre survivante du genre humain, est
une passionnée de films anciens comme lui. Ils ont décidé d’unir leurs vies.
Mais ils sont les derniers et l’humanité s’éteindra avec eux. De toute façon il
ne faut pas compter sur eux pour repeupler la Terre quand bien même ils seraient
en âge de le faire. Qui voudrait donner la vie dans ce monde ?
Au moment de
faire un choix, des hommes de pouvoir avaient décidé que la science viendrait à
bout de tous les problèmes. Cette vision de l’avenir les avait amenés à vivre
sous des dômes de verre fumé filtrant les ultra-violets.
De gigantesques
usines retraitent l’eau et l’air pollués. Ils trouvent leur nourriture dans des
« épiceries ». Adam rit. Il a vu dans les archives ce qu’étaient les
épiceries d’autrefois : aliments emballés dans des boîtes de couleurs variées,
des légumes, de la viande ! Il passe la langue sur ses lèvres. Maintenant
il s’agit plus de stations services. On remplit un gobelet d’une mixture
appelée PLS : protéine-lipide-sucre. Un verre suffit. Les besoins vitaux
sont satisfaits. Mais il faut bien plus à l’humanité pour survivre.
Eve lui touche
l’épaule : ils sont arrivés à l’ascenseur. Elle lui sourit et tapote son
hublot.
-Encore perdu
dans le passé ? Sa voix douce murmure dans ses écouteurs.
-Pas toi ?
Il essaye de parler doucement : il sait sa voix rocailleuse. Ils ne
parlent plus très souvent maintenant. Mais Eve chante et cet exercice maintient
ses cordes vocales en état.
- Non. Je pense
à l’avenir. Où sont-ils tous? Nous allons les rejoindre bientôt tu sais. Je le
sens. Ce n’est plus qu’une question de jours.
Adam ne répond
rien. C’est leur espoir. Retrouver tout le monde dans une autre vie. Mais comme
ils n’en sont pas certains, ils occupent leurs journées assidument.
En attendant. (à suivre…)
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